Samedi passé, j’ai été acheter des vêtements pour mon séjour à l’hôpital. On va me faire un examen approfondit endocrinologique pendant trois jours. Je ne sais même pas ce que ça veut dire. Tout ce que je savais ce matin en arrivant à l’hôpital, c’est que se sont des tests en vue d’une opération, une «gastroplastie». En gros on va me réduire l’estomac, jeter un bout mon estomac aux chiens. 148 kilos, 1M81. Il y a comme qui dirait quelques kilos en trop, apnée du sommeil et la quarantaine qui approche à grands pas avec son train de conséquences : problèmes cardiaques, diabète, dos, articulations. La poisse. Pas envie de crever à petit feu, le corps se bouffant des tuyaux partout, le teint de mort comme mon voisin de chambre. Il était donc temps. Grand temps.
Samedi passé, petit tour aux magasins. L’horreur pour moi. Ma vie de gros n’est faite que de petites humiliations. Parmi les pires : le shopping. Pas de vêtements à ma taille. Condamné à être habillé comme un sac ou une chaussette colorée les beaux jours. Alors, je vais au rayon XXL de C&A. Parfois, il y a des trucs convenables. Cette fois, rien. Comme la précédente et celle d’avant.
Les autres petites humiliations : les gosses implacables, les femmes qui ne vous regardent pas, les sièges d’avion trop étroits, les ceintures qu’on arrive pas à boucler, les regards qui vous dévorent sur la plage, l’idée qu’on doit assumer, la culpabilité permanente, les regards dégoûtés, l’incompréhension, la peur de manger, le plaisir de manger, la peur de s’asseoir sur une chaise trop fragile, sur un lit trop bancal, les serviettes de bains trop petites, les voitures trop étroites, la peur du voisin, les cabines d’essayage, la vendeuse, le médecin, l’infirmière, la fille du métro, la bite qui se rétracte sous la graisse, la place entre la chaise et la table, la peur de bousculer, d’être en trop, de se faufiler, les miroirs, la chaleur, les chaises en plastique, . Alors, on essaie d’oublier sa condition, on la masque, on tente de faire fi de tout ça, de faire illusion que tout ça n’est pas grave. Isolément, ça ne l’est pas ; l’accumulation l’est, mais je m’y suis fait, d’autres pas.